Migraine
Une migraine est un mal de tête (céphalée) particulier. La douleurmigraineuse répond à des critères précis selon la classification mise à jour en 2005 par l’International Headache Society. C’est une crise douloureuse modérée à sévère, récurrente, unilatérale et pulsatile.
Elle peut être la seule maladie (céphalée primaire), ou être provoquée par une autre maladie (céphalée secondaire). Seule la migraine céphalée primaire est décrite ici.
On en distingue deux sous-types : la migraine sans aura et la migraine avec aura. L’aura est un signe neurologique transitoire, prémonitoire de la crise migraineuse. Parfois l’aura persiste lors de la crise ; rarement elle survient aussi après. Ses manifestations neurologiques sont très variées. Le plus souvent il s’agit de taches visuelles, de troubles du langage, mais on peut observer des hallucinations olfactives par exemple ou des bâillements irrépressibles.
Les enjeux de la migraine
La prévalence moyenne de la migraine sur une vie est de 18% et la prévalence moyenne estimée sur un an est de 13%. Les migraines avec aura représentent de 20 à 30% des migraines, d’après l’International Association for Study of Pain (IASP, 2011).
Selon une cohorte suisse (Merikangas et coll. BMJ. 2011;343: d5076), la prévalence annuelle de la migraine avec aura est de 0,9% (2,8 femmes pour un homme), et celle de la migraine sans aura de 10,9% (2,2 femmes pour un homme). La prévalence cumulée en 30 ans est de 3% pour la migraine avec aura, 36% pour la migrainesans aura, avec une nette tendance à la persistance des crises selon le déroulement initial : 69% des migraineux.
Les migraineux souffrent en moyenne 25 jours par an. Pour l’OMS, leur poids sanitaire est supérieur à celui de l’épilepsie dans le monde. Pour Gustavsson et coll. (Eur Neuropsychopharmacol. 2011 21 : 718-79), le coût annuel européen des céphalées en général est de 285 euros par personne.
Il ne semble pas que la migraine augmente le risque de décès en général, mais peut-être le risque cardiaque (Schurks et coll. Cephalalgia. 2011 Sep;31(12):1301-14).
Près de la moitié des patients se soigne par ses propres moyens. Cette automédication fait courir un grand risque d’abus médicamenteux, dont la conséquence est l’installation de céphaléeschroniques quotidiennes, ou plus de 15 jours par mois.
Causes et mécanismes de la migraine
La migraine est provoquée par un double phénomène vasculaire. D’abord un vaso-spasme, c’est à dire une fermeture des vaisseaux cérébraux, qui peut provoquer les troubles neurologiques de l’aura ; puis une vasodilatation réactionnelle qui entraîne un oedème cérébral responsable de la douleur intense et des réactions physiques générales : digestives (nausées vomissements), ophtalmiques (refus de la lumière).
Le spasme initial est déclenché souvent par des émotions, le surmenage et le stress, dont l’influence varie d’un migraineux à l’autre. Le cycle hormonal féminin est à l’origine de migraines dites cataméniales.
Les aliments actifs sur les vaisseaux sanguins sont à risque de migraine chez les personnes prédisposées : chocolat, alcool. Le café a des effets paradoxaux : il entretient un cycle « infernal » en resserrant trop vite les veines, entraînant un spasme, qui est source d’une nouvelle dilatation réactionnelle.
Le facteur familial est avéré mais seuls quelques gènes sont identifiés formellement, comme dans la migraine hémiplégique familiale. Ces gènes codent des protéines transportant des ions à travers la membrane des neurones. On suspecte donc un trouble de l’excitabilité du cerveau, une intrication physiologique entre migraineet épilepsie.
Il existe des « migralepsies » où une aura migraineuse déclenche une épilepsie. Il existe des migraines avec « dépressions corticales envahissantes » (électriques) pour soutenir cette hypothèse. Des troubles de l’inhibition sous-corticale et/ou un dysfonctionnement des interneurones (inhibiteurs ou excitateurs) corticaux sont envisagés (Belcastro et coll. J Headache Pain. 2011;12 :289-294).
Récemment Chasman et coll. (Nat Genet. 2011 Jun 12;43(7):695-8) ont mis en évidence sept polymorphismes potentiellement associés à la migraine avec ou sans aura (le polymorphisme génétique est la variation non pathologique d’un gène). Trois sont déjà validés : c’est-à-dire qu’une personne porteuse est plus susceptible de faire des migraines que la population générale.
Symptômes de la migraine
La céphalée est le symptôme typique de la migraine. Selon la classification de l’International Headache Society, une migraine est une crise durant 4 heures à 72 heures.
La douleur doit comportée deux des critères suivants : unilatéralité (c'est-à-dire d’un seul côté de la tête), pulsatilité, intensité modérée ou sévère, aggravation par les activités physiques routinières, par exemple la montée ou la descente d’escaliers.
Au moins un de ces signes généraux l’accompagne : nausées/vomissements, refus de la lumière (photophobie), refus des bruits même minimes (sonophobie).
Les migraines avec aura sont moins fréquentes que les migraines sans aura. Les auras sont des signes neurologiques prémonitoires et transitoires, en grande majorité visuels : points lumineux, déformation de la vision… Les auras aphasiques (manque des mots) existent aussi et sont rarement isolées.
On peut avoir une grande variété d’auras plus au moins comportementales et psychiatriques (dépression, apathie soudaine). Elles peuvent être inquiétantes la première fois. La survenue d’une migraine typique dans l’heure qui suit permet de rectifier le diagnostic.
Avec quoi ne faut-il pas confondre ?
Avec les autres maux de tête : céphalée de tension, algie vasculairede la face, ou encore hémicrânie chronique paroxystique. Ainsi que les céphalées par abus de médicaments.
La seule urgence est l’exclusion d’une hémorragie méningée qui n’est pas si rare :1% des patients ayant une céphalée aux urgences présente une hémorragie méningée (Perry et coll. BMJ. 2011 Jul 18;343: d4277).
La mortalité de cette affection oscille entre 25 à 50% à 6 mois ; et 30% des survivants conservent des séquelles neurologiques invalidantes au quotidien.
Peut-on prévenir les migraines ?
Oui, en repérant les facteurs déclenchants les crises et en les évitant dans la mesure du possible.
La relaxation ou encore des thérapies de gestion du stress sont d’autant plus efficaces que le patient y adhère bien et les intègre à sa vie quotidienne. Dans certains cas, la migraine disparaît spontanément au cours de la vie sans raison apparente.
A quel moment consulter ?
Face à une céphalée récurrente, il faut consulter rapidement pour établir un diagnostic précis, condition indispensable à un traitement efficace. Le médecin traitant oriente si nécessaire vers un neurologue. Il peut également adresser à un centre de la migraine, unité spécialisée de neurologie au sein d’un hôpital.
Comment préparer la consultation avec le médecin ?
On peut tenir un journal des crises au cours des deux derniers mois, avec les circonstances déclenchantes s’il y en a, la période du cycle menstruel ainsi que les médicaments pris pour soulager la douleur.
Que fait le médecin ?
Le médecin confirme le diagnostic par un interrogatoire et un examen minutieux. Si le diagnostic est clair, aucun examen complémentaire n’est nécessaire. Il instaure un traitement anti-migraineux. En cas de doute sérieux, le scanner ou l’IRM éliminent une lésion cérébrale, une hémorragie…
Le traitement personnalisé de la migraine est parfois difficile à établir. L’avis d’un neurologue spécialisé et/ou en centre anti-migraine est alors nécessaire.
Les médicaments ont deux buts : soulager la douleur de la crise, limiter l’apparition de nouvelles crises. Les traitements de crise doivent être pris dès que celle-ci apparaît sans tarder. Il s’agit des antalgiques (aspirine et paracétamol), des anti-inflammatoires non stéroïdiens et des triptans.
En cas de migraine sévère, les traitements de fond préventifs se prennent hors des crises. Ils sont utiles si la consommation en médicaments de crise dépasse 6 prises par mois depuis au moins trois mois. Ces médicaments de fond réduisent la fréquence des crises d’environ 50%. La prescription initiale est en général d’une durée de trois mois.
Les traitements par neuromodulation et stimulation magnétique relèvent d’un centre spécialisé.