Accouchement sous X : que dit la loi française ?

« Une naissance sous X peut priver l’enfant qui le souhaiterait de la connaissance de ses origines. Cette situation peut être pour certains enfants, y compris devenus adultes, source de grande souffrance psychologique ».

La souffrance psychologique de certains enfants et adultes nés sous X

 Il n’est pas douteux que la connaissance des origines est, en règle, indispensable à la construction harmonieuse de la personnalité de l’enfant et de l’adolescent. Elle représente une exigence naturelle et ne pas connaître ses attaches constitue pour certains adultes une grande souffrance psychique qui ne s’atténue pas avec le temps. Ce besoin a été récemment renforcé par l’essor de la généalogie et le désir de plus en plus répandu de connaître sa filiation et ses ancêtres. On observe également un renouveau d’intérêt pour la biologie et la génétique, en un mot pour l’inné, au détriment de l’acquis. La filiation biologique a tendance à prendre le pas sur la filiation affective et la filiation juridique. Cependant, d’une part le nombre de demandes de recherche des origines reçues par le CNAOP est nettement inférieur à ce qui était annoncé, 1740 demandes en 3 ans au 28 février 2005, d’autre part l’intérêt de l’adulte recherchant son origine ne doit pas faire méconnaître l’intérêt des femmes, des nouveaux-nés et des enfants. Si on accepte de considérer le problème dans sa globalité et dans ses aspects les plus concrets, sans se limiter au seul aspect psychologique, on se rend compte qu’il s’agit d’un problème de santé publique.

L’accouchement sous X peut être détourné de son objet

« En cas de recours à la gestation pour autrui à l’étranger, voire de recours à une mère porteuse clandestine en France, il permet à la gestatrice de mettre au monde l’enfant en France sans établir un lien de filiation avec lui, autorisant ainsi au père de le reconnaître et de l’élever – éventuellement avec sa compagne ou son compagnon – enfreignant la législation bioéthique française qui proscrit les mères porteuses ». Certes, l’accouchement sous X permet de détourner la législation bioéthique française. Mais la modification législative envisagée n’empêchera pas la persistance de mères porteuses qui reste un phénomène très rare en France.

Demande d'anonymat lors d'un accouchement sous X

L’anonymat est de moins en moins demandé. La stigmatisation des mères seules n’existe plus. Le risque de recourir à  l’avortement ou d’accoucher en dehors de toute structure sanitaire ne doit pas être surévalué. « La loi de 2002 a mis en place un dispositif permettant à la mère de donner son nom ou des informations personnelles à destination de l’enfant. Dès lors, si le secret est toujours utilisé, l’anonymat est moins demandé, la majorité des femmes acceptant de laisser leur identité. Ainsi, en 2004, seuls 40% des 394 femmes ayant accouché sous X n’ont pas décliné leur identité. Par ailleurs, l’évolution de la société fait que « les mère seules ne sont plus stigmatisées ». Enfin le principal risque invoqué pour maintenir l’accouchement anonyme est celui de voir les femmes concernées recourir à l’avortement ou accoucher chez elles en dehors de toute structure sanitaire. Ce risque ne doit pas être surévalué : il ressort des chiffres qui viennent d’être cités que l’accouchement sous X n’est plus aujourd’hui une véritable alternative à l’avortement puisqu’il ne concerne que quelques centaines de femmes par an ».

La loi actuelle préserve au mieux l’intérêt des mères

Si l’anonymat est moins demandé, il n’en reste pas moins que quelques centaines de femmes y ont encore recours. L’important est de savoir qui sont ces femmes. Plusieurs études épidémiologiques et sociologiques en ont précisé le profil dont celle faite à la demande du Ministère de l’Emploi et de la Solidarité, Service des Droits des Femmes, en octobre 1999, qui portait sur 2000 femmes. On distingue 4 profils type des femmes accouchants sous X. 

Premier profil

Le premier profil est celui de femmes très jeunes vivant dans une dépendance familiale plus ou moins complète et n’ayant que peu ou pas d’autonomie. Deux tiers des femmes qui accouchent sous X ont moins de 25 ans, une sur deux a moins de 23 ans et une sur dix moins de 18 ans. Non seulement ces mères sont en moyenne beaucoup plus jeunes que les autres accouchées mais il semble qu’elles soient un peu plus jeunes aujourd’hui que par le passé ce qui est à l’opposé de l’évolution observée dans la population générale.

Deuxième profil

Le deuxième profil est celui de jeunes femmes appartenant à une famille musulmane et vivant encore chez leurs parents. Elles sont originaires du Maghreb, d’Afrique  subsaharienne, de Turquie, où la grossesse hors mariage est perçue comme un déshonneur familial. Leur proportion parmi les accouchements secrets, est en augmentation. Elle varie de 30 à 50% selon les régions et dépasse 50% dans certains hôpitaux de la région parisienne. Les conséquences pour ces jeunes femmes, si leur grossesse est dévoilée, peuvent être dramatiques. Non seulement elles risquent d’être rejetées par leur famille mais elles sont exposées au rapatriement brutal dans leur pays d’origine avec tous les aléas que cela représente, à des mariages forcés,  à des représailles physiques très graves, à des menaces de mort voire à des crimes d’honneur.

Troisième profil

Le troisième profil, qui recoupe parfois les deux autres, est celui de femmes non ou mal insérées professionnellement, en proie à de très grandes difficultés matérielles, parfois sans abris. Les plus jeunes d’entre elles sont des mères célibataires en cours de scolarité ou d’études, à la recherche d’un premier emploi ou sans profession. Elles sont le plus souvent primipares mais ont parfois déjà un ou deux jeunes enfants à charge. Les plus âgées sont des femmes séparées, divorcées ou abandonnées, parfois marquées par un long passé de violences conjugales. Elles ont habituellement plusieurs enfants à charge. Une minorité non négligeable est issue d’un milieu aisé. Ce n’est pas la misère qui les conduit à abandonner leur enfant mais la pression familiale, le désir de poursuivre leurs études ou de trouver un emploi.

Quatrième profil

Un dernier groupe dont l’importance est difficile à déterminer, de l’ordre de 20% des cas, est constitué de femmes ayant subi viol ou inceste dont on comprend aisément le sentiment de rejet.
 
 Dans l’ensemble, les femmes recourant à l’accouchement sous X sont toujours des femmes dans une extrême détresse morale, face à une grossesse non souhaitée. L’abandon de l’enfant est une solution de panique, de désespoir, qui entraîne l’opprobre, opprobre plus marquée de nos jours qu’il y a trente ans, contrairement à l’opinion exprimée dans les motifs de la proposition de loi, car la différence est grande entre la mère célibataire qui assume sa grossesse et la jeune fille acculée à l’abandon de l’enfant. Les raisons de l’abandon sont variées : 

  • Certaines femmes, parce qu’elles sont dans l’impossibilité matérielle d’élever l’enfant, estiment lui donner de meilleures chances en permettant son adoption. On a même pu parler d’acte d’amour.
  • D’autres, parce qu’elles ne sont pas en situation ni matérielle ni psychologique d’accueillir l’enfant, parce qu’elles ont été violentées, enceintes par inadvertance ou n’ont que mépris pour leur partenaire expriment un farouche déni de grossesse et la dissimule.

Par un phénomène mal expliqué, les jeunes femmes arrivent à tromper leur entourage le plus proche : parents et enseignants. Même les médecins, pour peu qu’ils ne soient pas très avertis, peuvent se tromper sur l’existence ou l’âge de la grossesse. L’abdomen grossit anormalement peu jusqu’au voisinage du terme et les femmes disent ne pas avoir perçu les mouvements du fœtus. Elles ne réagissent que confrontées aux premières contractions douloureuses, dans l’affolement et la précipitation. Nombre d’accouchements se font alors dans la clandestinité, dans les pires conditions, avec les risques sévères que cela comporte pour la mère, d’autant plus qu’elle est jeune et que les tissus des voies génitales ne sont pas encore arrivés à maturité. On observe des déchirures graves du périnée, des hémorragies de la délivrance, des infections sévères pouvant entraîner l’ablation de l’utérus. En définitive, la loi actuelle préserve au mieux la liberté de décision de la femme et le choix de son avenir. Il n’est pas certain que la disparition de l’anonymat, malgré la préservation du secret, n’entraîne pas une augmentation des accouchements en dehors de toute structure sanitaire, accouchements souvent suivis d’un abandon sauvage voire d’un infanticide.

Evolution de la loi sur l'accouchement sous X

Un sujet récemment tranché par la loi et déjà remis en cause

A la suite d’une tendance exprimée au cours des années 80 en faveur d’une modification radicale de la législation visant à supprimer l’accouchement dans l’anonymat dit sous X, cinq rapports officiels ont été successivement publiés. Le premier, celui du Conseil d’Etat rédigé sous la direction de monsieur Paul Bouchet, intitulé « Statut et protection de l’enfant » est paru en mai 1990. Il proposait la création d’un conseil pour la recherche des origines familiales qui procéderait à la recherche des parents, recueillerait la volonté de ces derniers et veillerait au rapprochement psychologique des parties par une démarche de médiation, proposition très proche de la loi actuelle. Puis se sont succédés ceux contradictoires, d’une part d’une commission d’enquête sur l’état des droits de l’enfant en France, présidée par monsieur Laurent Fabius en 1998 et d’un rapport de madame Irène Théry à la Ministre de l’Emploi et de la Solidarité et au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, également en 1998, d’autre part d’un rapport de madame Françoise Dekeuwer-Defossez également au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, en 1999. Le dernier, celui de madame Véronique Neiertz paru en 2001, faisait le point sur « Le projet de loi relatif à l’accès aux origines personnelles ».
 
Ces rapports ont abouti à une proposition de loi votée à l’unanimité par les parlementaires le 10 janvier 2002, loi datée du 22 janvier 2002 et publiée au Journal Officiel le 23 janvier 2002, unanimité qui reflète un consensus exceptionnel. Cette loi a le mérite de tenir compte des intérêts divergents et souvent opposés des femmes, des nouveaux-nés dont personne ne parle et des adolescents ou adultes en quête de leur origine, trois aspects qu’on ne saurait ni méconnaître, ni négliger. L’Académie nationale de médecine qui s’est prononcée sur ce sujet dans un rapport voté le 18 avril 2000, avait noté avec satisfaction que la loi de 2002 allait dans le sens de ses recommandations. De ce fait, la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale le 28 juin 2006 par madame Valérie Pécresse au nom de la mission parlementaire d’information sur la famille et les droits des enfants remettant en cause cette loi, a particulièrement attiré son attention.

Modifications législatives envisagées par la proposition de loi

Les modifications essentielles portent sur deux articles : l’article 341-1 du Code civil et l’article 222-6 du Code de l’Action sociale et des Familles. Les suppressions sont en italique, les ajouts en caractères gras. Nouveau libellé de certains articles :

  • Article 341-1 du Code civil : « Lors de l’accouchement, la mère peut, après avoir donné son identité, demander que le secret de son admission soit préservé ».
  • Article 222-6 du Code de l’action sociale et des familles : « Toute femme qui demande, lors de son accouchement, la préservation du secret de son admission et de son identité par un établissement de santé est informée des conséquences juridiques de cette demande et de l’importance pour toute personne de connaître ses origines et son histoire.

 Elle est donc invitée à laisser, sous pli fermé, si elle l’accepte, des renseignements sur sa santé et celle du père, les origines de l’enfant et les circonstances de la naissance ainsi que, sous pli fermé, son identité… Elle est également informée qu’elle peut à tout moment donner son identité sous pli fermé ou compléter les renseignements qu’elle a donnés au moment de la naissance… Pour l’application des deux premiers alinéas, aucune pièce d’identité n’est exigée et il n’est procédé à aucune enquête. Deux autres modifications, l’une portant sur l’article L 147-6 du Code de l’Action Sociale et des Familles, l’autre ajoutant un article L 147-6-1, aboutissent au fait que, pendant la minorité de l’enfant, la communication de l’identité de la mère et, le cas échéant, du père reste soumise à leur accord. En revanche, à la majorité de l’enfant, la communication est de droit.
 
Ces articles supprimant la possibilité d’accoucher dans l’anonymat et instaurant un accouchement dans la discrétion, ont pour conséquence la dissolution du Conseil National pour l’Accès aux Origines Personnelles (CNAOP) créé par le décret d’application de la loi du 22 janvier 2002, signé le 3 mai 2002 (5), organisme situé au cœur du dispositif de la loi. Il reçoit la demande écrite des personnes qui recherchent leur origine, accompagnée des justificatifs de l’identité et de la qualité de leur auteur. Il recherche la mère de naissance, possédant pour cela des prérogatives propres pour se faire communiquer les actes de naissance d’origine par le procureur de la République ainsi que des renseignements afin de déterminer l’adresse des parents de naissance par les administrations ou services de l’état et des collectivités publiques et les organismes sociaux. Il doit s’assurer du consentement express  de la mère de naissance à la levée du secret ou de sa volonté de le préserver. En cas d’acceptation, il procède à la communication de l’identité de la mère de naissance et l’identité des ascendants, descendants et collatéraux de la mère et l’un de ses membres servira de médiateur. En l’absence d’accord des parents de naissance, la communication se limitera aux renseignements ne portant pas atteinte à l’identité de la mère de naissance. Une autre mission du CNAOP est d’établir des statistiques relatives au nombre d’accouchements avec demande de secret, avec dépôt d’un pli fermé ou non, pour mesurer l’impact de la loi.

Evolution en Europe

La situation en Europe est différente et on ne constate pas de drames sanitaires particuliers

« La grande majorité de nos voisins européens ne connaît pas l’accouchement sous X, or on n’y constate pas de drame sanitaire particulier ». Si l’indication du nom de la mère et du père est obligatoires dans de nombreux pays européens, la France, qui reçoit de nombreuses femmes enceintes belges, suisses et algériennes venant pour accoucher anonymement dans notre pays (15% environ de ces accouchements), n’est pas seule à se préoccuper de ce problème. L’Italie, le Luxembourg et, dans une certaine mesure l’Espagne (dans le cas des mères non mariées) autorisent les mères à ne pas indiquer leur nom au moment de l’accouchement. D’autres pays européens, émus du nombre croissant de naissance dans des conditions hasardeuses et d’enfants abandonnés sans soins, ont tenté de pallier ces drames d’une autre manière en réinventant « le tour », heureusement amélioré. Les allemands ont créé dans les principales villes d’Allemagne, quelques vingt-six « Babyklappen », « boîtes à bébés ». Le dépôt de l’enfant est légal alors que son abandon sur la voie publique est puni par la loi. Un délai de huit semaines est donné à la mère pour revenir chercher l’enfant. L’Autriche a installé des  « nids de bébés » à partir d’octobre 2000. De même la Suisse qui a mis en place un  système similaire pour protéger la vie des nourrissons : les babyfenster, « fenêtres à  bébé ». La mère de naissance a six semaines pour reprendre son enfant. Dans les trois cas, le principe, identique, est de déposer l’enfant sur un lit chauffant, installé dans des boîtes transparentes situées dans un mur le long d’une rue.

L’enfant est surveillé en permanence par électronique avec un système alertant le personnel médical. Mais ces solutions ne garantissent, pour la mère et l’enfant, ni le soutien, ni les soins médicaux avant, pendant, et après l’accouchement. C’est pourquoi les mêmes pays européens ou d’autres, à l’inverse de la proposition 3224 qui est faite par la Commission Parlementaire, ont envisagé une législation allant dans le sens de celle de la France. En Allemagne, des députés ont déposé, en juin 2002, un projet de loi qui proposait de « supprimer l’obligation mise à la charge de la mère, ainsi que de toutes les personnes ayant participé à l’accouchement, de déclarer la naissance à l’état civil dès lors que la femme exprime le souhait d’accoucher dans l’anonymat ». En Autriche, c’est une loi de mars 2001 qui a dépénalisé l’accouchement anonyme et permet à la femme en situation de détresse de demander l’anonymat lors de son accouchement. La Hongrie a fait de même. En Belgique,  le Comité consultatif royal de Bioéthique a suggéré à son gouvernement d’adopter de profondes modifications législatives proches de la loi française qui ont abouti à une proposition de loi déposée en mai 2002. Quant aux Etats-Unis, pour tenter de protéger la vie des nouveaux-nés, du fait de l’augmentation des infanticides ou des délaissements sauvages ayant entraîné la mort, une loi dénommée la « Safe Haeven Legislation » a été adoptée par 35 états. Elle autorise toute mère qui le souhaite à confier anonymement son nouveau-né dans des services d’urgence, sans être pénalisée : hôpitaux, commissariats de police, casernes de pompiers, services sociaux. Enfin, dans les pays d’Amérique latine qui ne connaissent pas l’accouchement anonyme, existe un taux important d’accouchements sous une fausse identité ou d’abandonssauvages sur la voie publique.

Avis et recommandations des insitutions

Avis antérieur de l’Académie nationale de médecine

L’Académie nationale de médecine en approuvant un rapport intitulé « A propos de l’accouchement dit sous X », dans sa séance du 18 avril 2000, a nettement pris position pour  la possibilité d’accoucher dans l’anonymat tout en recommandant une amélioration des conditions de l’accouchement sous X et une harmonisation des pratiques. Dans ses propositions, évoquant la création d’un Conseil indépendant pour la recherche des origines familiales, elle suggérait que celui-ci devrait avoir deux fonctions : « D’une part d’information et de médiation destinées à favoriser la rencontre d’une mère et de son enfant en cas de démarche spontanée et concordante, d’autre part de collection des données qui manquent cruellement de nos jours, ce qui laisse libre court à toutes les interprétations ». Ce Conseil, le CNAOP, a été ultérieurement créé par la loi du 22 janvier 2002.

Recommandations de l’Académie nationale de médecine

  • considérant d’une part que  la loi actuelle répond aux recommandations qu’elle avait formulées dans un rapport publié en 2000, loi approuvée par ailleurs par la Cour Européenne des Droits de l’Homme en 2002 et le Comité Consultatif d’Ethique pour les Sciences de la Vie et de la Santé, en 2006 ;
  • d’autre part, que cette loi a permis, grâce à son application par le  CNAOP, de trouver le nécessaire équilibre entre le désir légitime des adolescents et adultes de connaître leur origine, le désir non moins légitime du droit à l’anonymat de certaines mères et la protection des nouveau-nés ;
  • reconnaît que de grands efforts concernant l’accompagnement des mères et la collecte des données concernant les accouchements avec demande de secret ont été faits ;
  • estime que, dans les conditions actuelles, un changement de la loi de 2002 pour laquelle on ne possède pas encore le recul indispensable et dont les conséquences sont encore insuffisamment évaluées, serait prématuré et susceptible d’entraîner des effets nocifs.

Avis de la Cour Européenne des Droits de l’Homme

 La grande chambre de la Cour Européenne des Droits de l’Homme en audience publique, le 9 octobre 2002, a donné acte à la France de sa tentative de conciliation entre les intérêts de la mère et de l’enfant, à l’occasion de la plainte d’une jeune femme, madame Pascale Odièvre, abandonnée à la naissance, admise en qualité de pupille de l’Etat puis adoptée en la forme plénière en janvier 1969. Le communiqué publié par le greffier de la Cour Européenne mentionne, en date du 13 février 2003 : « La Cour relève que les intérêts en présence font apparaître, d’une part le droit à la connaissance de ses origines et l’intérêt vital de l’enfant dans son épanouissement, et d’autre part l’intérêt d’une femme à conserver l’anonymat pour sauvegarder sa santé en accouchant dans des conditions médicales appropriées. Il s’agit de deux intérêts difficilement conciliables concernant deux adultes jouissant chacun de l’autonomie de sa volonté ». Il ajoute : « De surcroît, il y a lieu de tenir compte de l’intérêt des tiers et de leur protection, essentiellement les parents adoptifs, le père ou le restant de la famille biologique ». «  Enfin, l’intérêt général est également en jeu dans la mesure où la loi française a pour objectif de protéger la santé de la mère et de l’enfant lors de l’accouchement, d’éviter des avortements, en particulier clandestins, et des abandons sauvages ».
 
La Cour rappelle par ailleurs «  que certains pays ne prévoient pas l’obligation de déclarer le nom des parents biologiques lors de la naissance, et que d’autres connaissent des pratiques d’abandons d’enfants engendrant des débats sur l’accouchement anonyme ». Elle note que la loi française du 22 janvier 2002 renforce la possibilité de lever le secret de l’identité de la mère en facilitant la recherche des origines biologiques par la mise en place d’un Conseil National de l’Accès aux Origines Personnelles. Selon la Cour : « La législation française tente ainsi d’atteindre un équilibre et une proportionnalité suffisants entre les intérêts en cause." 

Avis du Comité Consultatif d’Ethique pour les Sciences de la Vie et de la Santé

Le Comité Consultatif National d’Ethique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) s’est prononcé pour le maintien de la loi du 22 janvier 2002, dans son avis n° 90 intitulé « Accès aux origines, anonymat et secret de la filiation », présenté lors de la conférence de presse du 26 janvier 2006. Il est écrit dans le chapitre V-1 concernant  les recommandations : « Les valeurs éthiques qui ont conduit à légiférer ont abouti avec la loi du 22 janvier 2002 qui a créé le CNAOP à un équilibre délicat qu’il est souhaitable de maintenir. Il convient d’attendre un retour d’expériences plus marqué pour propose des modifications. Il est important de veiller à informer la mère sur la possibilité de laisser un jour, si elle le souhaite, sous enveloppe scellée des renseignements non identifiants ou identifiants et de pouvoir révéler ultérieurement des données identifiantes, mais en indiquant que son refus sera toujours respecté. On peut souhaiter dès maintenant que ne puisse jamais être levé l’anonymat d’une mère sans qu’elle y ait consenti de son vivant ».(3,11)

Annexes : Description de la loi et bibliographie

La loi française sur l'accouchement sous X a deux volets, l’un prospectif, l’autre rétrospectif

Elle est mise en œuvre par le CNAOP.(12).

Le volet prospectif

Il est cohérent. La loi ne contraint pas la mère de naissance à communiquer son identité, même de manière confidentielle. La femme qui demande, lors de son accouchement, lapréservation du secret de son admission et de son identité est « invitée à laisser, si elle l’accepte, des renseignements sur sa santé et celle du père, les origines de l’enfant et les circonstances de la naissance ainsi que, sous pli fermé, son identité » (article L. 222-6 du Code de l’aide sociale et de la famille : CASF). Cet article pivot fait référence expressément à l’acceptation de la femme, ce qui, ajouté à l’interdiction d’exiger d’elle une pièce d’identité ou de faire une enquête, permet de rassurer sur le respect de sa liberté. Mais il énonce aussi que la femme doit être informée non seulement des conséquences juridiques de sa demande de secret, mais aussi de l’importance pour toute personne de connaître ses origines et son histoire. La femme est invitée, au moment de son accouchement, à laisser dans une enveloppe cachetée : son nom, ses prénoms, la date et le lieu de sa naissance. A l’extérieur de l’enveloppe figureront les prénoms qu’éventuellement elle aura choisi pour l’enfant ainsi que le sexe, la date, l’heure et le lieu de la naissance de ce dernier. Ce pli sera conservé fermé par le service de l’Aide sociale à l’enfance du département (ASE) et sera ouvert uniquement par un membre du CNAOP si celui-ci est saisi d’une demande d’accès à la connaissance de ses origines par l’enfant devenu adulte ou, s’il est mineur, par son ou ses représentants légaux ou par lui-même avec l’accord de ceux-ci. Dans ce cas, la mère sera contactée par le CNAOP qui lui demandera de confirmer ou non son désir de secret. D’autre part, la mère de naissance est informée qu’à tout moment, elle peut lever le secret de son identité qu’elle ait accouché sous X ou confié son identité sous pli fermé. Elle peut également remettre ce pli ultérieurement ou compléter les renseignements donnés lors de la naissance.

La loi confie aux correspondants départementaux du CNAOP la charge d’assurer la mise en œuvre de l’accompagnement psychologique et social de la femme, de lui délivrer les informations nécessaires, de recueillir les renseignements non identifiants et éventuellement le pli fermé. Une difficulté pratique est d’accomplir ces tâches dans le temps très bref qui est actuellement celui de l’hospitalisation de la mère en maternité. La loi énonce donc que ces formalités, à défaut de la présence d’un correspondant départemental, pourront être accomplies sous la responsabilité du directeur de l’établissement de santé. Notons aussi que l’article 223-7 du CASF prévoit que la prise en charge des frais d’hébergement et d’accouchement n’est plus subordonnée à la seule demande de secret mais qu’elle s’applique dès lors que l’enfant est confié en vue d’une adoption.

Le volet rétrospectif

Il est plus délicat à appliquer. En effet, la loi nouvelle est une loi dite de procédure qui appréhende toutes les situations existantes et le CNAOP est saisi de demandes d’accès aux origines par des personnes nées il y a 30, 40, 50 ans ou plus. Or le droit a été modifié à plusieurs reprises au cours du siècle dernier, la dernière réforme datant de juillet 1996. Jusqu’à présent, une personne à la recherche de ses origines pouvait adresser sa demande au service de l’aide sociale à l’enfance de son département de naissance ou à l’organisme d’adoption privée auquel elle avait été confiée. Dans l’hypothèse d’un refus de communication de documents fondé sur le respect de l’intimité de la vie privée ou sur la loi du 17 juillet 1978 sur la communication de documents administratifs, elle pouvait saisir la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA). Celle-ci rendait alors un avis circonstancié sur la possibilité de communiquer des documents. En cas de litige, le demandeur pouvait saisir la juridiction administrative qui seule, par une décision s’imposant aux services départementaux et aux organismes d’adoption, pouvait déterminer les modalités de la communication des documents et décider si elle devait être intégrale ou faite après occultation des mentions identifiantes. Désormais la communication au demandeur d’accès « d’éléments permettant d’identifier sa mère biologique est subordonnée dans tous les cas à l’intervention du CNAOP auquel il revient de s’assurer que celle-ci ne s’oppose pas à la divulgation de ces documents ». L’article 147-7 de la loi précise que l’accès d’une personne à ses origines est sans effet sur l’état civil et la filiation. Il ne fait naître ni droit ni obligation au profit ou à la charge de qui que ce soit.

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